Depuis novembre et jusqu’à début avril, notre association gère au CTRO (Centre technique régional omnisports) un hébergement d’urgence qui abrite soixante personnes orientées par le 115, principalement des familles avec enfants. Ces locaux de la vallée du Cher, imbriqués dans les installations sportives, appartiennent à la Ville de Tours mais sont affectés au Tours Football Club (dont la structure professionnelle est désormais liquidée). C’est l’État qui a décidé et qui finance cet hébergement hivernal de cinq mois, la Ville assurant le paiement du loyer avec, pour la première fois, le concours de la Métropole (1). Et la DDETS (Direction départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités) a missionné Entraide et Solidarités pour en assurer le fonctionnement. Nos salariés, avec le renfort de bénévoles, dont certains de la Croix-Rouge, sont chargés de l’accueil, de l’encadrement social, de la nourriture, du gardiennage, de l’entretien…
Comme l’an passé, notre association a accepté cette mission car les personnes hébergées ne sont pas remises à la rue chaque matin, et « bénéficient » d’un suivi social. Toutefois, ces familles sont mises à l’abri sans garantie de durée puisqu’une « rotation » s’opère toutes les deux semaines.
Cette organisation a été perturbée mardi 4 février au soir, lorsque des militants du collectif Pas d’enfants à la rue sont entrés dans les locaux avec 22 personnes sans abri, dont des enfants, et ont « occupé » les lieux. Ils pensaient semble-t-il que des places étaient disponibles, ce qui n’était pas le cas. La direction, les salariés et les bénévoles d’Entraide et Solidarités, mis devant le fait accompli, ont procuré de la nourriture et improvisé des couchages de fortune dans l’espace de restauration, c’est-à-dire dans des conditions pour le moins inhabituelles, y compris du point de vue de la sécurité des personnes. Après information, les services de l’État et ceux de la Ville ont décidé de tolérer cette occupation, notre association acceptant cette charge supplémentaire et les risques potentiels. Après tout, ces personnes étaient mieux là que dehors…
Le nombre d’ « hébergés clandestins » est passé au fil des jours – et des nuits – de 22 à 11. Et cette occupation s’est maintenue au soir de la « rotation » du mardi 11 février, où des militants cette fois d’ASFT (Accueil sans frontières en Touraine, collectif d’associations) ont imposé la présence de 11 personnes. Une information avait circulé selon laquelle 17 chambres étaient disponibles depuis la liquidation du club, mais c’est encore faux : des jeunes footballeurs sont toujours là, dans l’attente de leur sort. L’intrusion a été mouvementée, justifiant une brève intervention de la police. Mais dès le mercredi 12 au matin, les occupants quittaient les lieux.
Besoin de sérénité
Notre association n’est pas la dernière à revendiquer davantage de places pour l’hébergement d’urgence, et tente depuis plusieurs années, avec les partenaires qui le veulent bien, d’engager des actions communes pour infléchir les politiques publiques. De la même façon, elle ne cesse de réclamer, avec un certain succès d’ailleurs, un accueil digne et un accompagnement social efficace pour les personnes hébergées. En ce moment, elle réclame évidemment le retrait de la circulaire Retailleau, un plus grand nombre de régularisations et le maintien, sinon l’augmentation, du nombre de places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile.
C’est pourquoi Entraide et Solidarités déplore le manque de moyens affectés à la lutte contre le « sans-abrisme », et ce qui en découle : les perturbations imposées à son travail au quotidien, à ses salariés et aux personnes qu’ils accompagnent et qui ont tant besoin de sérénité. Pour l’hiver en cours, l’État a ouvert ces 60 places mais aussi 25 places d’accueil de jour gérées par l’association Émergence. Que va-t-il se passer début avril, à la fermeture de ces structures provisoires ? Les services de l’État ne semblent pas compter sur le maintien de crédits suffisants. Et la Ville et la Métropole, si elles ont mis un doigt dans l’engrenage depuis l’an passé, n’ont pas exprimé la volonté politique de compenser les insuffisances de l’État en inscrivant durablement cette compétence dans leurs budgets…
Dans cette situation de crise qui n’est pas propre à la Touraine, Entraide et Solidarités, si elle se trouve parfois entre le marteau et l’enclume, s’en tient à ses valeurs et défendra toujours ses salariés tout comme les droits des personnes accueillies. Et quoi qu’il en soit de l’avenir proche, elle continuera de conjuguer le professionnalisme de ses services et la liberté de ses militants, au mieux des intérêts des plus démunis.
- (1) L’an dernier la préfecture avait loué ces mêmes locaux pour deux mois, en février-mars. À la fermeture de ce plan hivernal, la Ville avait pour la première fois pris le relais de cette compétence de l’État en ouvrant un gymnase aux Fontaines, jusqu’au 28 mai.