Immigration  : le ressenti contre les statistiques

Dans le n° 2870 de l’OBS de novembre dernier, en page 37, on trouve un article fort intéressant de Tomas Statius après un entretien avec le démographe Hervé Le Bras, qui  vient de publier une note avec  la Fondation Jean-Jaurès dans laquelle il se penche sur les idées reçues en matière d’immigration. Pour mieux les déconstruire. Hervé Le Bras est directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS).

En bref voici les principaux thèmes développés. L’idée du « grand remplacement », d’une « submersion » migratoire y est mise à bas. Le solde migratoire de la France, n’est, contre toute attente, que légèrement positif. Il est de 60 000 personnes pour 2018, soit 1/1000 ème de la population. En regardant les chiffres on constate que « c’est une circulation, les gens viennent, repartent ». S’il n’y a pas de « grand remplacement d’une population par une autre », il existe un important métissage. D’après l’INSEE, 40% des immigrés qui vivent en couple sont en union avec un non immigré.

L’idée que le regroupement familial concerne des familles entières ne résiste pas à l’analyse statistique. Les enfants étrangers ne représentent que 3,7 % de l’immigration légale. Ce n’était pas le cas à la fin des années 80. Hervé Le Bras pense que les phénomènes migratoires sont perçus avec une génération de retard.

L’image d’une immigration peu qualifiée est fausse. Une grande partie des personnes qui arrivent en France sont diplômées. Il faut garder à l’esprit « que l’immigration quand elle est volontaire,  sélectionne positivement les individus, plus aventureux, en meilleure santé, plus éduqués ». Quant à la thèse développée par Stéphan Smith, d’une ruée vers l’Europe des populations africaines, elle est aussi déconstruite. Il rappelle que 90% de l’immigration subsaharienne se déroule à l’intérieur même du continent africain.

Suit une réflexion sur les liens entre l’immigration et le vote pour le Rassemblement national. La première constatation est que, là où l’on vote le plus pour le RN, ce sont les lieux où l’immigration est la moins dense. Les communes de moins de 1 000 habitants, sont celles où le vote RN est le plus élevé. Ce sont les communes où les immigrés sont les moins nombreux. A l’inverse, le vote RN est le plus faible dans les grandes villes (5% à Paris alors qu’il y a 19% d’immigrés). Il faut dire que ça n’a pas toujours été le cas, en 1984 il y avait une forte corrélation entre le vote pour le Front national et les lieux où les immigrés étaient le plus installés.

Hervé Le Bras rappelle que les flux migratoires sont dix fois moins importants qu’ils l’ont été au début du XXème siècle, et que d’après l’ONU, ils vont continuer à baisser. Enfin, l’auteur constate que les politiques, méprisent les données statistiques, et remettent souvent le débat sur l’immigration à l’ordre du jour, alors que les enquêtes d’opinion montrent que c’est un sujet qui n’est pas en tête des préoccupations des Français.

On peut dire qu’en matière d’immigration, il y a comme pour la température, deux manière de la percevoir : le ressenti et les données du thermomètre.

Pierre Trinson