Réflexions sur la pandémie et les périodes de crise

Dans les périodes de crise, comme celle que nous vivons actuellement, il faut toujours trouver des boucs émissaires. Au moment des pestes moyenâgeuses et plus récemment du choléra, c’était les étrangers, et surtout les juifs qui étaient accusés de répandre la maladie. La grippe espagnole de 1917, comme son nom l’indique a été attribuée aux hispaniques alors qu’elle était d’origine américaine. Les Chinois sont actuellement accusés par certains d’avoir laissé échapper le virus d’un de leurs laboratoires, d’autres accusent les Américains de la même erreur. Je ne parle pas de ceux qui crient au complot et considèrent l’apparition du virus comme un acte volontaire afin de déstabiliser le commerce mondial.

La gestion de la crise actuelle met en lumière certaines avancées qui donnent à réfléchir. Prenons le cas de tous les précaires, ceux pour lesquels Entraide et Solidarités et bien d’autres réclament des hébergements depuis toujours : le 115 est chargé de gérer la pénurie, les associations font de la mise à l’abri quand elles le peuvent, des particuliers se mobilisent… et toujours des familles sont à la rue, des enfants dorment dehors.

Combien de manifestations, combien de pétitions, combien de textes, combien de déclarations péremptoires des présidents de la République successifs ?! Relisez Perspectives, dans chaque numéro vous trouverez les chiffres de la précarité en Indre-et-Loire. Mais en 2020, pandémie oblige, des hébergements sont trouvés, des crédits sont débloqués, on met tout le monde à l’abri et des repas sont distribués. Par quel miracle a-t-on trouvé des locaux, de l’argent là où on nous affirmait il y a quelques semaines que ce n’était pas possible ?  Est-ce la peur que tous ces précaires répandent le virus dans la ville, ou une prise de conscience soudaine des pouvoirs publics de la nécessité d’un peu d’humanité?

Autre exemple : les prisons. En France, les prisons sont surchargées et les conditions de détention laissent à désirer. Tout le monde le sait, l’Europe nous rappelle à l’ordre régulièrement. Les associations se battent pour diminuer le nombre d’incarcérations en demandant le remplacement des courtes peines par des peines de substitution : travail d’intérêt général, bracelet électronique…

La commission Prison-Justice d’Entraide et Solidarités est en première ligne pour ce combat. La pandémie arrive, la peur s’installe, et 10 000 détenus sont libérés. Pour la première fois depuis toujours les prisons françaises ont un taux d’occupation inférieur à 100% ! Madeleine Perret est disparue trop tôt, elle n’aura hélas pas connu cela.

Il faut dire que, outre la peur, il y a derrière ces avancées considérables, le combat de toutes les associations qui sont confrontées tant aux problèmes de la précarité qu’à celui de l’incarcération, et dans ce combat professionnels et bénévoles réunis ont été à la pointe du combat. Au péril de leurs poumons ils ont rencontré les précaires, les sans-logis, les mal-logés, pour les réconforter et les nourrir. Je ne sais pas s’ils sont associés aux soignants qui sont applaudis chaque soir, mais il faut aussi leur rendre hommage.

Poursuivre le combat

Maintenant que le déconfinement est en marche, le combat n’est pas terminé. Il faut absolument que ce grand élan de solidarité perdure, que la coopération entre les associations, les équipes de l’État et celles des villes poursuive cet effort de solidarité. Des actions sont en marche, soutenons les.

Les grandes crises de notre démocratie ont toujours engendré des progrès significatifs dans la vie des Français. La révolution de 1848 nous a apporté la République, l’abolition de l’esclavage et le suffrage universel (sans les femmes hélas!), la Commune de Paris a semé des idées qui ont cheminé et abouti au cours des ans, le Front populaire a permis une vie décente avec moins de travail et des congés payés, la Libération nous a apporté, entre autres, la Sécurité sociale et enfin le droit de vote des femmes.

Si la pandémie de 2020 nous garantissait des logements décents pour tous, des droits pour tous et des prisons dignes, alors on pourrait se réjouir et penser que ceux qui ont été malades ne l’ont pas été pour rien. Je dois rêver.

Pour terminer, je vais citer la conclusion du communiqué de presse de la Coordination Migrants de Tours :

« Souvenons-nous des liens de solidarité que nous avons su créer ces dernières semaines pour aborder la périlleuse période du déconfinement ! Nous nous sauverons tous ensemble ou nous périrons ! »

  • Pierre Trinson