Quand Michel Rocard lançait sa célèbre phrase « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part », il ne se doutait pas des polémiques qu’elle allait entraîner. Polémique sur l’authenticité de la deuxième partie, mais surtout récupération de la première partie presque toujours citée seule.
Se retrancher derrière cette citation tronquée est un peu facile et permet de justifier toute une politique au nom du réalisme. Au nom du réalisme il faudrait rejeter à la mer toutes ces personnes qui fuient les guerres, les famines ou les aléas climatiques ? Au nom du réalisme il faudrait renvoyer chez lui ce jeune homme de seize ans qui est arrivé là où j’habite avec une tête de fémur brisée parce qu’il a été battu ? Lui on ne peut pas l’expulser, c’est un MNA (Mineur Non Accompagné) auquel on doit assistance. Il aura une prothèse, une prothèse de hanche à seize ans ! Et s’il avait eu dix huit ans ?
Au nom de cette phrase tronquée on justifie plusieurs centaines de milliers de migrants en Allemagne et seulement quelques dizaines de milliers en France ! Quand on en a besoin on sait les accueillir les étrangers : deux cent mille Italiens avant la dernière guerre, puis les Polonais pour nos mines, puis les Maghrébins et les Portugais pour les usines et le bâtiment.
Au nom du réalisme il faudrait dire, on ne veut pas de vous, allez crever ailleurs, nous la cinquième puissance économique mondiale ! Se recroqueviller derrière cette petite phrase de Rocard est une lâcheté. Comme disait l’écrivain catholique Bernanos, que Clémenceau appelait l’anarchiste blanc, «le réalisme est la bonne conscience des salauds ».
Notre association a changé de nom, on y a ajouté le mot solidarités, nous pouvons en être fiers, toutes nos valeurs sont contenues dans ce mot et nous les défendrons quoiqu’il arrive.
Pierre Trinson