L’ASSOCIATION

UNE ASSOCIATION POUR L’INSERTION

Fondée à Tours en 1947 par l’abbé Gaston Pineau (lire par ailleurs), l’Entr’Aide Ouvrière est une association départementale laïque et humanitaire, partenaire de l’Etat et des collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des politiques publiques en matière d’urgence, d’accueil, de soins, d’hébergement, de formation et d’insertion. Mais l’EAO reste militante, et intransigeante sur ses valeurs fondatrices :
– la croyance en l’indiscutable dignité de l’homme, de tout homme, qui a en lui la possibilité de rebondir (construire son projet de vie), et un rôle social à assumer ;
– la nécessité d’instaurer partout la justice sociale, et de lutter ensemble contre les inégalités par l’entraide.
D’où le nom de l’association à son origine : « Entr’Aide » car il s’agit de sensibiliser toutes les catégories sociales à la solidarité ; et « ouvrière » parce qu’une telle initiative réclame de nous un travail difficile, obstiné et à long terme, et s’inscrivant dans un mouvement de promotion collective. Pour éviter les fréquentes confusions, l’assemblée générale de mai 2017 adoptera un nouveau nom : Entraide & Solidarités.

Régulièrement adapté aux évolutions de la société, ce Projet associatif a été révisé en 2013 puis en 2021. Il met en avant la solidarité et la fraternité, facteurs essentiels dans la lutte contre les exclusions, en veillant à ce que l’action associative ne se substitue pas aux solidarités naturelles (famille, amis, voisinage) : elle doit les recréer, les soutenir et les renforcer. Ses objectifs sont :
Prévenir l’exclusion
Accueillir toute personne en situation précaire
Comprendre et faire comprendre les exclusions, revendiquer les moyens de les combattre
Recréer du lien social
Insérer par le travail
Viser l’autonomie

Forte de 130 salariés et d’autant de bénévoles, Entraide & Solidarités gère en Indre-et-Loire :
. Un lieu d’accueil, de soins et d’orientation.
. Sept Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (quatre collectifs et trois en appartements)

.Un établissement médicalisé pour moyens ou longs séjours.

. Un Centre de formation (apprentissage des savoirs de base).
. Des ateliers et chantiers d’insertion qui reçoivent 250 salariés par an
. Une épicerie solidaire à Chinon, « l’Embarcadère ».
. La Petite maison-Madeleine Perret intervient auprès des familles de détenus et des détenus eux-mêmes pour aider à l’information, au maintien du lien familial et à la prévention de la récidive.
. Un site internet et un journal trimestriel, Perspectives, rendent compte de ces activités.
L’association compte environ trois cent cinquante adhérents. En assemblée générale annuelle, ils arrêtent les orientations, et élisent un conseil d’administration de 19 membres, qui désigne un bureau de 8 personnes et des commissions permanentes. Sous le contrôle du conseil d’administration et du bureau, la direction générale gère par délégation l’ensemble des services de l’association. Chaque fois qu’il est possible, l’EAO-CAD mène ses actions en partenariat avec d’autres associations.

 

A L’ORIGINE, UNE RENCONTRE ET UN GESTE DE PARTAGE

 

C’était en 1947, quelques jours avant Noël. Le centre de Tours, rue Nationale, rue des Halles est encore en ruines. Un homme, sortant de prison, croise l’Abbé Pineau et lui demande de l’argent. L’Abbé partage avec lui un casse-croûte et la conversation s’engage : « dans quelques jours ce sera Noël et je serai toujours aussi gueux après qu’avant ». L’Abbé décide de faire quelque chose pour ceux qui s’abritent dans les ruines ou les cabanes de jardin, ceux qu’on appelle les « clochards » et qui pour lui sont des « frangins ».

Il organise donc pour ce Noël de 1947 un réveillon auquel ils sont invités, dans le réfectoire du Foyer des Jeunes Travailleurs, situé alors dans un bâtiment aujourd’hui disparu de la rue Bernard Palissy. Quelques jours plus tard, un grenier est aménagé avec 30 lits pour les premiers hébergés. Les premiers accueillants, jeunes et moins jeunes, évidemment bénévoles, se relaient auprès d’eux. Pour les femmes, on installe une petite pièce dans une maison de la même rue.

L’ESSOR

Moins d’un an plus tard, le 3 décembre 1948, était déclarée à la Préfecture une association dénommée Entr’Aide Ouvrière « ayant pour objet de venir en aide à tous les malheureux, plus spécialement aux chômeurs, sans distinction de race ou de religion ». La première assemblée générale a lieu le 7 février 1949. Un « livret statutaire » explicite ainsi le nom donné à la nouvelle association : « l’effort que nous préconisons contre la misère repose sur l’entraide. Il mobilise toutes les classes sociales au service les unes des autres… »

« L’Entr’Aide s’appelle ouvrière parce qu’elle réclame de ses militants un travail difficile… parce que l’homme, par le travail, reprend conscience de sa dignité… parce qu’elle tend à faire entrer, pour le moins dans l’authentique un monde ouvrier de la masse misérable qui n’a pas de nom… parce qu’enfin elle doit rejoindre, par une conviction accrue au contact de la misère, les aspirations légitimes du monde ouvrier à une promotion collective».

Parce qu’à Noël 1947 c’est un homme sortant de prison qui a interpellé l’Abbé Pineau, alors aumônier de la Maison d’Arrêt. La première assemblée générale a aussi décidé la création, à côté de l’EAO, d’une autre association, le C.A.D. Comité d’Aide aux Détenus « ayant pour but de s’intéresser à tous les détenus, hommes et femmes et à leurs familles, sans distinction de race ni de religion ». Depuis cette date, le CAD reste, par rapport à l’EAO, à la fois dedans et dehors. Dedans parce que nul ne peut adhérer à l’une de ces associations sans adhérer en même temps à l’autre et qu’ainsi le CAD est le service prison de l’EAO. Dehors parce que son propre budget. Il ne revendique d’ailleurs pas son indépendance mais affirme son lien étroit avec l’EAO et s’inscrit parfaitement dans son effort militant.

Très vite l’EAO s’est structurée. Son foyer pour hommes compte 60 lits et elle a ouvert 25 rue Jules Simon une permanence d’accueil qui dès la première année a reçu 5 000 visites.

En 1952 paraît le premier numéro de Perspectives qui se donne pour but de « rejoindre ceux et celles qui consentent à nous suivre et à nous soutenir pour les associer plus étroitement aux préoccupations et soucis que nous causent la misère et le désordre social ». Un soutien qui se concrétise par les dons auxquels est fait appel mais qui exige aussi une authentique conversion des mentalités.

LA CITE INTERPELLÉE

En 1953 les centres d’accueil font l’objet d’un agrément officiel et en 1956, à la suite d’un Congrès des Visiteurs de prison est créée une Fédération des Centres d’Hébergement pour les libérés de prison qui élargira très vite son champ d’action pour devenir la FNARS, Fédération Nationale des Associations de Réinsertion Sociale. L’EAO y adhère. En 1958 elle est représentée au Comité directeur. Cependant la crise du logement sévit.

En 1954, l’Abbé Pierre a vigoureusement dénoncé le scandale des familles à la rue. D’année en année, à chaque assemblée générale, l’EAO réaffirme sa volonté de travailler « pour faire face au drame de la misère en partant de ceux qui sont au plus bas, de tous ceux-là et pas seulement d’un cas individuel ».

L’appel lancé à la Cité est entendu de la Municipalité tourangelle. Le 18 décembre 1961 est inauguré, rue du Général Renault, le centre d’hébergement pour hommes que la Ville a construit pour le confier à l’EAO. Grande est la joie des militants associatifs qui voient aboutir leurs efforts pour une « prise de conscience de la communauté ». L’EAO compte alors 11 salariés.

En 1965 s’ouvrira à Vernou une maison d’hébergement pour les femmes et, en 1967, un second centre pour les hommes rue Manceau. En 1974 et 1975 sont adoptées les lois organisant l’aide sociale d’Etat à l’hébergement, progrès considérable dans la réponse aux problèmes de la désinsertion sociale.

L’EAO installe en 1976 un second centre d’hébergement pour les femmes place Jean Meunier. Elle compte à cette époque 42 salariés dont 11 volontaires qui reversent à l’association, par une libre décision, une part substantielle de leur salaire conventionnel. Elle compte aussi 76 bénévoles « membres actifs » dans ses services.

En 1980, elle crée un poste d’institutrice, le premier en France dans les centres d’hébergement et en 1981 un poste de médecin salarié à temps plein. La même année son siège est transféré 62 rue George Sand. Des conférences ont lieu, chaque année, dans la « grande salle » qui accueille du 12 au 25 mars 1981 l’exposition « La prison dans la Ville » avec 1 500 visiteurs.

1982 voit l’installation du CAVA (Centre d’Adaptation à la Vie Active).

En 1983 elle acquiert place Gaston Pailhou, un immeuble qui permet d’agrandir le centre de la place Jean Meunier. 1984 voit s’ouvrir un nouveau centre pour hommes à la Chambrerie. En 1985 se met en place un hébergement éclaté pour des familles dans des appartements loués à l’OPAC.

En 1994, s’ouvre rue Albert Camus un centre pour femmes avec enfants, couples et familles tandis que ferment les Centres pour femmes de Vernou et de Tours.

En 1986, le CAD achète, face à la Maison d’Arrêt, une maison destinée à accueillir avant et après les parloirs, les familles des détenus.

Après d’importants travaux, elle ouvre le 7 février 1987 avec 21 accueillant bénévoles. Ils seront 31 dix ans plus tard. En 1991, le CAD fera partie des associations fondatrices de la FARAPEJ (Fédération des Associations Réflexion Action Prison Justice). En 1988 la France s’est dotée pour lutter contre l’exclusion sociale de l’outil du RMI.

En 1989 elle célèbre le deuxième centenaire de la Déclaration des Droits de l’Homme. L’EAO y fait écho l’année suivante avec un cycle de trois conférences qui permettent de prendre la mesure de l’exclusion en Touraine et des actions menées pour y faire face.

Le Centre de la rue Manceau, vétuste, a dû fermer. Il fait place à une permanence d’accueil et d’orientation qui sera transféré place Jean Meunier en 1996 et inauguré par Xavier Emmanuelli, secrétaire d’Etat à l’action humanitaire en prenant le nom de CASOUS (Centre d’Accueil, de Santé et d’Orientation pour l’Urgence Sociale).

UN PROJET ASSOCIATIF MIS A JOUR

L’EAO adopte en 1991 son projet associatif, qui sera mis à jour lors de l’assemblée générale 2013 pour tenir compte des évolutions de la société (voir rubrique « Le projet associatif »).  Le texte de 1991 avançait quatre objectifs :

• Assurer un accueil sans réserve à toute personne à la rue,

• Mener une action de prévention étendue pour s’attaquer aux causes de l’exclusion,

• Permettre à toute personne l’accès à une autonomie durable,

• Développer un réseau solidaire.

Le dernier point mérite quelques commentaires. L’EAO n’a jamais prétendu pouvoir à elle seule faire face à tous les problèmes que pose l’exclusion sociale de nos concitoyens tourangeaux. Elle a suscité (parfois), encourage (toujours) et suivi avec intérêt la création de plusieurs associations qui oeuvrent sur ce terrain, entre autres la Halte de Jour en 1986 et, la même année, le Centre d’accueil d’urgence Albert Thomas, le Centre de soins Porte Ouverte en 1988.

Elle s’est réjouie de l’installation, rue de l’Hermitage, du Centre Paul Bert par le CCAS de Tours. Et en 1984, elle faisait partie des associations fondatrices du CPD (Collectif Pauvretés Développement).

La misère prend aujourd’hui de nouvelles formes avec le phénomène des travailleurs pauvres et l’errance d’immigrés sans papiers. Des réponses adaptées s’avèrent indispensables. L’histoire continue…

Texte écrit par Madeleine PERRET