Le 1er janvier au Point Accueil Solidarité

Premier janvier ou pas, le camion du PAS est installé à 18 heures à proximité de la gare de Tours. Malgré la pluie, le vent et le froid, la table et les chaises sont en place et, surprise, alors que l’on craignait une pénurie de bénévoles en ces périodes de fête, ils sont cinq pour seconder Marie-Laure, la professionnelle. Bien emmitouflés, le bonnet ou la capuche sur la tête, ils distribuent, comme d’habitude, sandwiches et boissons chaudes aux quelques demandeurs qui sont déjà arrivés; ce soir, il y a en plus des toasts au foie gras que tous apprécient. Mais l’essentiel est d’écouter, et de parler avec eux. Ce n’est pas la foule de l’été ou de l’automne, Marie Laure me dit qu’ils sont environ 25 à venir régulièrement, les autres sont sans doute partis vers des contrées plus clémentes ou dans la famille.
Ce qui me frappe c’est la jeunesse des accueillis, la plupart ont entre 20 et 25 ans, deux sont un peu plus âgés, ce sont en majorité des hommes, seules deux jeunes femmes passeront dans la soirée. La plupart sont équipés d’anoraks ou de manteaux pour lutter contre les mauvaises conditions climatiques, cependant deux des plus jeunes n’ont qu’un mauvais pull pour se protéger. Marie-Laure, qui les connaît presque tous, me dit que ceux-là ont vraisemblablement des logements. Presque tous restent assez longtemps autour du véhicule, l’atmosphère est sereine, pas d’éclats de voix, pas la moindre violence, on se parle et on s’écoute.
Marie-Laure est très sollicitée. Elle a trouvé, par le biais du 115, un hébergement pour un homme assis seul dans son coin. Un autre, qui sort des urgences avec quelques points de suture au cuir chevelu, suite à une chute la veille, craint de dormir dans la rue ce soir: appel au 115, il reste une place, il l’accepte.
Autre cas, un jeune homme vient demander s’il peut avoir des couvertures pour « sa fille » qui va accoucher bientôt, elle est dans la gare; en fait, sa fille est une chienne de race berger allemand. Marie-Laure lui procure deux couvertures, c’est du bonheur pour ce garçon qui semble être nouveau dans le quartier, il dort habituellement du coté des Halles, sous un porche. Il dit ne pas connaître le 115 ( ????), nouveau coup de téléphone, un hébergement est trouvé pour l’homme et son animal, le camion les déposera au foyer au cours de la maraude, c’est du très très grand bonheur! Le garçon devient bavard, on découvre l’importance que représente pour lui son animal de compagnie, on sait tout de l’avenir de la portée; un chiot (avec les yeux vairons si possible) pour une jeune fille à la rue comme lui qu’il appelle sa sœur, lui en gardera quatre, les autres seront distribués à qui s’engagera à fournir des croquettes à la mère. On apprend même des choses sur le géniteur de la future portée, un chien compagnon d’un monsieur qui fait la manche rue Nationale.Tout cela n’a rien de pathétique, c’est tout simplement ordinaire.
Les gens continuent de passer, un groupe avec trois chiens vient se restaurer, puis c’est un autre couple qui vient prendre une boisson chaude. Je m’aperçois qu’ils se connaissent presque tous, ce sont manifestement des habitués qui viennent ici chercher un peu de chaleur et d’amitié.
Un jeune homme, ému par l’accueil prodigué aux sans-abri et en particulier à l’homme au chien, déclare qu’il fera un don de 100 € à l’association, mais il faut que je me porte garant de la bonne utilisation de son don.
Bientôt 20 heures, les derniers « clients » se dispersent et gagnent leur abri pour la nuit, Marie-Laure et son équipe rangent le matériel et vont partir en maraude. C’était une soirée presque ordinaire, place de la gare, au Point accueil solidarité.

Pierre TRINSON