LE PROJET ASSOCIATIF

A l’origine de l’Entr’Aide Ouvrière se trouvent une rencontre et un geste de partage.

En 1947, quelques jours avant Noël, le centre de Tours est encore en ruines. Un homme, sortant de prison, croise l’abbé Pineau alors aumônier de la maison d’arrêt et lui demande de l’argent. L’abbé partage avec lui un casse-croûte et la conversation s’engage : « dans quelques jours ce sera Noël et je serai toujours aussi gueux après qu’avant ». L’abbé décide de faire quelque chose pour ceux qui s’abritent dans les ruines ou les cabanes de jardin, ceux qu’on appelle les « clochards » et qui, pour lui, sont des « frangins ».

Moins d’un an plus tard, le 3 décembre 1948, est déclarée en Préfecture une association dénommée « Entr’Aide Ouvrière », « ayant pour objet de venir en aide à tous les malheureux, plus spécialement aux chômeurs, sans distinction de race ou de religion ».

La première Assemblée Générale a lieu le 7 février 1949. Elle décide la création, à côté de l’EAO, d’une autre association, le C.A.D. (Comité d’Aide aux Détenus) « ayant pour but de s’intéresser à tous les détenus, hommes et femmes et à leurs familles, sans distinction de race ni de religion ».

Très vite l’EAO s’est structurée et s’est efforcée d’adapter son organisation et son fonctionnement pour répondre aux nouvelles formes que revêt la pauvreté, toujours guidée par ses valeurs fondatrices :
– la croyance en l’indiscutable dignité de l’homme, de tout homme qui a en lui la possibilité de rebondir (construire son projet de vie) et un rôle social à assumer.
– la nécessité d’instaurer partout la justice sociale et de lutter ensemble contre les inégalités par l’entraide
– tout en tenant compte de l’évolution des politiques publiques

C’est tout le sens du texte fondateur de « l’Entr’Aide Ouvrière » :
« Entr’Aide », car il s’agit de sensibiliser toutes les catégories sociales à la promotion des plus déshérités.
« Ouvrière » parce qu’une telle initiative réclame de nous un travail difficile, obstiné et à long terme, écartant le danger d’une action bienfaisante et sans lendemain et s’inscrivant dans un mouvement de promotion collective.

L’EAO a donc mis au centre de son projet l’action contre la pauvreté et l’exclusion mais elle a refusé de se limiter à des œuvres d’assistance qui ne questionnent pas le contexte socio-économique et politique dans lequel s’inscrivent des itinéraires personnels.

Chapitre 1 : LES VALEURS

Le respect de la personne et la promotion de l’Homme, c’est une priorité absolue. Il implique tolérance et absence de jugement de valeur de la part de tous (salariés, résidents, bénévoles, adhérents) sur les causes de l’exclusion de chaque personne. Il requiert une démarche permanente de compréhension des itinéraires personnels et collectifs mais aussi des causes sociétales aboutissant à l’exclusion.

Cette valeur, tout comme l’égalité entre les personnes et le droit à la différence est d’autant plus affirmée qu’elle s’adresse à des personnes fragiles, exclues ou isolées qui peuvent difficilement faire valoir leurs droits. Chaque individu possède en lui des potentialités lui permettant d’être acteur de son propre changement. Cette conviction conduit les différents intervenants à passer d’une logique de réparation à une logique de développement.
L’individu accueilli reprend ainsi confiance en lui et retrouve un désir d’évolution.
Les personnes en situation d’exclusion ont si souvent été confrontées à l’échec qu’il est de notre devoir de leur faire percevoir une possible réussite. Elles ont si souvent été infériorisées que notre association doit conforter leur capacité à agir.
La solidarité et la fraternité
Dans une société démocratique, l’individu ne peut exister seul. La solidarité se caractérise par l’intérêt porté à l’autre. Elle permet un développement harmonieux et respectueux entre les individus et les groupes. Dans sa dimension citoyenne, elle se traduit par un devoir d’entraide, d’assistance, et de secours vis-à-vis notamment de toute personne ou de tout groupe en difficulté.
La fraternité, lien de proximité, unit les êtres humains participant à une action commune.
C’est dans les actions fondées sur l’entraide que les acteurs différents par leurs origines, leur expérience, leur âge, leur statut, découvrent leurs complémentarités et peuvent apprendre à construire une solidarité entre eux et les personnes accueillies ou accompagnées.
En ce sens, les actions de l’association comportent toujours une dimension solidaire et fraternelle.
Il convient cependant de rester vigilant à ce que l’action associative ne vienne pas se substituer aux solidarités naturelles (familles, amis, voisinage) mais qu’elle les recrée, les soutienne et les renforce.
C’est parce que la solidarité et la fraternité constituent des facteurs essentiels dans la lutte contre les exclusions que nous devons les promouvoir.

Chapitre 2 : LES PRINCIPES D’ACTION

Une unité d’action
S’appuyant sur les valeurs précédemment citées, l’association développe un projet global.
Dans la préparation et la réalisation de ses actions, elle recherche la participation de tous ses acteurs : usagers, administrateurs, salariés, bénévoles, adhérents ; elle rappelle leur nécessaire adhésion aux valeurs associatives, leur cohésion et leur engagement personnel.
Les projets menés au sein de l’association ne peuvent être ni concurrents, ni contradictoires.
Une démarche commune de l’ensemble des acteurs
A partir des actions menées au quotidien les acteurs de l’association sont en mesure de cerner les causes et conséquences de la pauvreté et de l’exclusion.
Ceci exige : travaux de réflexion, échanges, ouverture sur les travaux de recherche (sciences humaines, sociales, économiques…), formation permanente
Dans cet esprit des réunions d’échange sont régulièrement organisées et le journal « Perspectives » est accessible à tous, ainsi que le site internet.
L’association est ouverte à tous les modes d’expression de ses acteurs.
L’association prend en compte les instances représentatives du personnel et des usagers (Conseil de la Vie Sociale, expression des salariés en chantiers d’insertion).
Une capacité à s’adapter aux besoins
Le souci constant de s’adapter aux besoins traduit notre volonté de placer l’usager au centre de notre démarche.
Les services de l’association sont créés à partir de besoins repérés. L’EAO doit conserver sa vitalité pour déceler l’émergence de nouveaux besoins et les évolutions du contexte social avec une attention prioritaire aux plus démunis.
La pratique des dispositifs mis en place par les Pouvoirs Publics et mis en œuvre dans le cadre de notre mission de service public, la prise en compte des réussites mais aussi des dysfonctionnements de ces dispositifs peuvent permettre de jouer un rôle actif en proposant des adaptations ou des innovations jugées nécessaires dans l’intérêt des personnes.
Une démarche permanente d’évaluation, une remise en question régulière sur la pertinence de nos actions et de nos méthodes contribuent à maintenir un service de qualité.
L’association est donc en permanence appelée à rechercher des solutions adaptées, à développer sa capacité à entreprendre, à imaginer des stratégies, à réfléchir sur le sens de l’action pour alerter les élus, les services publics et les décideurs face aux situations observées, proposer des réponses et mettre en œuvre des moyens appropriés.
Un engagement démocratique et de dimension politique
L’association, du fait de son histoire, de son implication dans le tissu social tourangeau et de sa reconnaissance par les différents services sociaux et les responsables politiques, occupe une place importante dans les dispositifs territoriaux de lutte contre la pauvreté.
C’est à partir de l’écoute des personnes vivant des situations d’exclusion, de la réflexion, de nos actions et de leur évaluation, de la prise en compte active de la misère que l’association peut et doit porter une parole forte et assumer son devoir d’interpellation à l’intention de nos concitoyens, des responsables politiques et économiques.
Créée par des militants, l’EAO souhaite élargir le cercle de ses adhérents.
Elle souhaite aussi, avec tous les acteurs locaux se référant aux mêmes valeurs, contribuer à constituer une réelle force pour faire prendre conscience des réalités de l’exclusion et les combattre, modifier la vision de l’opinion et peser sur les choix des politiques publiques.
Un partenariat nécessaire
L’association recherche l’adhésion et la participation de ses partenaires dans la mise en place de ses actions.
Elle inscrit son action dans une complémentarité avec les services sociaux et les associations caritatives et humanitaires locales
Elle veut développer des projets en commun avec ses partenaires et renforcer les liens avec les représentants du monde culturel, professionnel et économique.
Une réflexion en réseau
La prise de recul en commun et le partage de constats et d’expériences viennent enrichir la réflexion sur l’action au quotidien et apporter un soutien technique indispensable
Ils permettent de peser aux niveaux, régional, national voire européen sur les choix politiques
A cette fin, l’EAO adhère à la Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS) à l’Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux (UNIOPSS) et pour le CAD à la FARAPEJ

Chapitre 3 : LES OBJECTIFS

L’association se donne comme objectif général la suppression de toutes formes d’exclusion sociale et professionnelle.
Elle privilégie une action sociale de proximité tout en regrettant que les limites liées aux moyens ne lui permettent pas d’intervenir sur l’ensemble des problématiques repérées.
Cet objectif général peut se décliner en axes prioritaires de travail :
Prévenir l’exclusion
Constatant à quel point l’errance contribue à la dégradation de la personne et combien le processus d’insertion est long et aléatoire, il nous paraît crucial de développer des actions préventives permettant d’éviter le basculement dans l’exclusion.
A ce titre, l’EAO agit dans différents domaines :
– Dans le domaine de l’accès au savoir, notre centre de formation intervient en matière de lutte contre l’illettrisme, alphabétisation ou maîtrise de l’outil informatique ;
– Dans le domaine de la santé, notre cabinet médical propose des bilans de santé, des dépistages et des vaccinations ;
– En matière de prévention des expulsions locatives, en adhésion avec les positions de la FNARS, elle s’oppose à toute expulsion sans propositions de relogement et milite en faveur d’une application effective du droit au logement opposable.

Accueillir toute personne en situation précaire
Cet accueil doit permettre de répondre dans l’urgence à des besoins élémentaires : manger, dormir, se soigner, retrouver des ressources, accéder à ses droits.
Cet accueil assure une solidarité de proximité :
– d’une part en recevant les personnes, sans discrimination d’aucune sorte
– d’autre part en allant au-devant des personnes qui ne font pas spontanément de démarches
Pour assurer cet accueil, l’association doit constamment s’adapter aux nouvelles formes des situations d’urgence et imaginer les meilleures réponses possibles en fonction des moyens disponibles et des partenaires existants.

Comprendre et faire comprendre l’exclusion
Le travail social engagé au sein des différents services doit rechercher à établir un constat partagé avec la personne accueillie et à lui offrir un éclairage sur les choix possibles pour qu’elle définisse elle-même son projet en développant son pouvoir d’agir.
En effet, la compréhension par la personne des mécanismes qui ont produit cette situation d’exclusion est indispensable pour qu’elle se réinsère durablement dans la vie sociale.
Cette réflexion sur l’exclusion concerne aussi l’environnement économique et social qui a produit, permis ou n’a pas su prévenir cette situation.

Recréer du lien social
L’exclusion est synonyme de dégradation ou de perte de lien social.
En complément du soutien individualisé à la personne en difficulté, une vie associative riche favorisant les rencontres entre les exclus et les « inclus » doit être développée.
C’est à travers l’organisation par l’association d’événements culturels, sportifs ou festifs que de nouveaux liens sociaux se créent pour ensuite s’élargir à l’environnement extérieur.
Dans ce contexte, le salarié, le bénévole, l’adhérent tout comme l’usager deviennent les acteurs de la dynamique associative.

Insérer par le travail
Le travail dans ces différentes dimensions est un facteur majeur d’insertion :
– sur un plan économique par le salaire qu’il procure,
– sur le plan relationnel par les liens qu’il permet de nouer avec les autres,
– sur le plan social par la participation à la vie de la cité et le sentiment de l’utilité qu’il procure.
C’est pourquoi l’association favorise l’insertion professionnelle :
1. en cherchant à nouer des partenariats et à utiliser et développer les dispositifs existants auprès des entreprises et collectivités locales sur les modalités pratiques d’insertion professionnelle des publics en difficulté ;
2. en offrant des postes de travail aux personnes hébergées ou non ;
3. en cherchant à proposer des formations spécifiques à destination des publics en difficulté (hébergés ou non) et des sessions pour favoriser l’accueil et l’écoute de ces publics.
Cela développe les compétences nécessaires à l’accès à l’emploi durable.

Viser l’autonomie
Aussi ambitieux que soit cet objectif, il est sans doute le plus fondamental car il permet à toute personne de :
– gérer sa vie selon ses aspirations.
– découvrir ses atouts, restaurer l’image de soi par une confiance retrouvée.
– reconstruire des repères pour mieux appréhender son environnement et le maîtriser.
– d’exercer sa citoyenneté et la plénitude des droits qui y sont attachés.
Pour consolider son autonomie, la personne doit pouvoir bénéficier d’un réseau de solidarité qui la soutient sur le long terme.
Dans cet esprit, des actions d’accompagnement sont assurées en vue de permettre à chacun de retrouver ses droits essentiels : se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner, (re)trouver une activité et des ressources, participer à des activités culturelles, sportives, éducatives ou de loisirs…
L’appartenance à un territoire ou à un mode d’habitat constitue un élément important d’identification à un groupe social.
Le logement n’est donc pas seulement facteur d’insertion par le toit qu’il procure, il l’est aussi par la place qu’il permet de retrouver dans le tissu social.
C’est pourquoi l’association évite de développer des dispositifs qui renforcent la précarité, insiste sur la stabilité du logement en pratiquant le système des baux glissants, et promeut des modes d’habitat adaptés.

Chapitre 4 : LES MOYENS

Les moyens humains diversifiés
La composition du Conseil d’Administration, qui s’est modelé au fil des ans, révèle une volonté de rassembler des personnalités d’horizons divers, ayant toutes en commun une forte mobilisation autour des valeurs associatives.
La place et le rôle des adhérents, des bénévoles et des salariés sont essentiels au fonctionnement et à la vie de l’association.

Les adhérents :
Seules les personnes physiques peuvent être des adhérents de l’EAO. Elles paient une cotisation annuelle individuelle
L’association souhaite avoir des adhérents qui participent à la vie associative sous toutes ses formes : faire connaître les actions, communiquer sur les valeurs de l’EAO, participer aux commissions, assurer des activités bénévoles.

Les bénévoles :
Le recours à des activités de bénévoles est constitutif du projet de l’EAO, ces activités s’exercent conjointement à celles des salariés.
D’une manière générale l’EAO s’efforce à l’appui de son projet, de mobiliser les contributions volontaires de toutes les personnes qui, partageant ses objectifs et ses valeurs, sont disposées à apporter des compétences, du temps, des moyens matériels, l’appui de leurs réseaux.
L’EAO vise à favoriser des activités qui impliquent à la fois des salariés et des bénévoles dans l’intérêt des usagers.
L’activité des bénévoles comporte une dimension économique qui doit être valorisée auprès des Pouvoirs Publics.
Un effort tout particulier de recrutement est entrepris, notamment en direction des anciens usagers dans le cadre du développement d’une démarche participative.

Les salariés :
L’association cherche à recruter des personnes qualifiées dans le secteur social et qui mettent en œuvre son projet associatif.
Une grande considération doit aussi être accordée à l’expérience et aux qualités relationnelles. Elles représentent des éléments essentiels dans la qualité du service rendu.
Persuadée de l’importance des qualifications, elle s’attache à proposer des formations aux salariés les moins qualifiés.
La formation doit aussi permettre l’adaptation des équipes à l’évolution des besoins des usagers.

Les moyens financiers
L’association se fait un devoir de revendiquer auprès des pouvoirs publics des moyens financiers à la hauteur des besoins qu’elle constate dans son activité quotidienne.
En dehors des fonds publics perçus dans le cadre de ses missions de service public, l’association dispose de ressources issues de dons et legs qu’elle consacre à son action associative.
La gestion de ces fonds propres est autonome et constitue un réel levier pour compléter l’action publique.

Les outils méthodologiques
La mise en pratique de ce projet associatif requiert des écrits de références :
-Un projet d’établissement
– une charte du bénévolat
– un livret d’accueil du résidant,
– des outils d’évaluation qui portent sur le fonctionnement des services rendus à l’usager
Les locaux
L’association est propriétaire de certains de ses locaux et en loue d’autres pour développer l’ensemble de ses activités.

L’ensemble des moyens humains, financiers et matériels de l’association doivent faire l’objet d’une gestion rigoureuse et contrôlée, au service exclusif de ses objectifs.