Sous le titre « Conjuguer militantisme et professionnalisme », l’Entr’Aide Ouvrière vient d’arrêter plusieurs dizaines d’engagements, pour adapter ses objectifs et ses pratiques à un contexte qui se durcit et se complexifie.
Partant d’une réflexion engagée par le conseil d’administration début 2013, l’élaboration de ce Plan stratégique a associé dans une dynamique participative les administrateurs, des membres du Comité de direction et des représentants des salariés, avec l’appui du cabinet Thomas Legrand Consultants.
Il se compose de 2 parties principales : un diagnostic de la situation de l’EAO et de son environnement puis les orientations stratégiques retenues, organisées selon 7 axes.
En voici les grandes lignes.
PREAMBULE
Fondée en 1947, l’EAO a entendu d’emblée ne pas limiter son action à une dimension uniquement caritative mais veut être aussi porteuse au sein de la société civile et en direction des décideurs, d’une volonté politique de lutte contre l’exclusion économique et sociale et d’actions concrètes en faveur de l’insertion.
Demeurée purement locale et principalement présente sur l’agglomération tourangelle, l’EAO s’est fortement développée depuis ses débuts puisqu’elle héberge actuellement 450 personnes et emploie environ 120 demandeurs d’emploi en chantier d’insertion. Pour mener ses activités elle compte 130 salariés permanents et un budget de plus de 10 M€.
Ses activités s’exercent principalement dans deux domaines : d’une part l’hébergement accompagné de personnes à la rue, en solutions d’urgence temporaires ou dans des démarches d’insertion de plus longue durée, et d’autre part des chantiers d’insertion qui ne s’adressent pas exclusivement au public hébergé.
L’association porte aussi d’autres activités d’accueil et d’accompagnement, dont la gestion du »115 », la maraude, un service social d’urgence, un cabinet médical, une épicerie sociale et solidaire, des lits halte soins santé, un organisme de formation et un accueil des hommes auteurs de violences dans leur foyer.
Aujourd’hui l’association est confrontée à des évolutions du contexte de son action qui l’impactent fortement.
Forte d’environ 300 adhérents et de l’engagement actif de plusieurs dizaines de bénévoles, elle entend s’adapter sans renoncer à ses principes et ses valeurs. Pour cela, elle a engagé une réflexion prospective à trois niveaux :
-Un projet associatif revisité et adopté lors de l’assemblée générale de mai 2013, exposant les principes et les valeurs politiques et éthiques fondamentaux de l’association.
-Un plan stratégique décliné du projet associatif, adopté en novembre 2013 et résumé ici.
-Un projet d’établissement, en cohérence avec les exigences de la loi 2002-2 et les
orientations définies dans le plan stratégique, qui sera élaboré et adopté en 2014.
DIAGNOSTIC D’ENVIRONNEMENT
1. Dimension externe
Le renforcement de la précarité et des risques d’exclusion
L’Indre-et-Loire n’est pas le département le plus touché mais néanmoins l’augmentation du
chômage total a été de 9 % sur les 12 derniers mois. Au total le nombre de bénéficiaires du RSA devrait atteindre 17.000 à la fin de l’année.
Notre département comporte des zones de très faibles revenus principalement dans l’agglomération mais aussi à Chinon et dans le lochois.
Même si l’emploi redémarre début 2014, ce ne sont pas les chômeurs âgés ni les chômeurs de longue durée qui en bénéficieront, sauf si la reprise est très forte, ce qui paraît très improbable. Ainsi la population en situation de précarité va continuer à s’accroître, alimentée par le chômage de longue durée et l’arrivée en fin de droits des allocations de chômage.
Le contingentement global de la dépense
La réponse sociale apportée par l’EAO repose à 95% sur des financements publics. Dans un contexte global de contingentement, les financements obtenus n’apparaissent plus comme pérennes; ils sont affectés sur des thématiques de plus en plus spécifiques; et ils peuvent subir des fluctuations rapides et importantes dans leur affectation, parfois contradictoires.
Ce manque de ligne claire ne permet pas de jalonner ni de structurer notre action, mettant à mal les équipes qui doivent fréquemment changer leur attitude de travail pour répondre à la
commande des Donneurs d’ordres.
L’accroissement de la population des étrangers en situation administrative précaire
En conformité avec son projet associatif, l’Entr’Aide Ouvrière accueille tous les types de publics en situation d’exclusion. Nous constatons depuis plusieurs années un fort accroissement des demandes de la population des étrangers en situation administrative précaire, notamment des familles. Les besoins de cette population questionnent notre dispositif d’accompagnement et d’hébergement. Initialement centrés sur l’insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté d’insertion, nos dispositifs sont aujourd’hui largement mobilisés sur la mise à l’abri.
La montée en puissance de la logique de marché
L’EAO s’inscrit aujourd’hui dans un paysage concurrentiel, où elle se positionne en tant que prestataire, « opérateur social » sur des projets avec mise en concurrence.
La territorialisation des politiques publiques
Les financements d’Etat étaient précisément fléchés par le passé. On constate aujourd’hui un morcellement des financements entre une pluralité d’acteurs (région, département, communauté d’agglomération, communauté de communes, commune…). Ce morcellement apporte une complexité et une lourdeur dans le montage des dossiers et dans le suivi de leur mise en œuvre, il fragilise également la pérennité des montages réalisés.
2. Dimension interne
L’EAO : une « institution » locale
Par son antériorité, sa taille, son caractère local, son poids…l’Entr’Aide Ouvrière apparaît
aujourd’hui comme un acteur institutionnel du territoire. Cette institutionnalisation peut limiter sa souplesse ou son indépendance d’intervention, en l’enfermant dans un rôle de prestataire auprès des Donneurs d’ordres.
Des dispositifs saturés
L’accueil de toute personne en situation précaire est inscrit dans le projet associatif de l’EAO. Aujourd’hui pourtant, il ne s’agit pas d’une réalité…Nous posons le constat que nous sommes plus dans le traitement de l’exclusion, souvent en urgence, que dans sa prévention. Concernant l’urgence et malgré l’augmentation de 100 places il y a un an, on constate jusqu’à 80 refus d’hébergements sur certaines journées. Au niveau du CHRS, la liste d’attente avoisine les 100 personnes. Ces situations se retrouvent également au niveau des chantiers d’insertion avec des demandes d’emploi qui ne peuvent être pourvues.
Une cohérence insuffisante entre les différentes pratiques et dispositifs
Chaque dispositif (hébergement, formation, insertion…) s’identifie encore trop faiblement au projet global de l’Entr’Aide Ouvrière, avec une méconnaissance des autres dispositifs ou des autres pratiques au sein de l’association. Cette situation se traduit par un manque de cohésion interne, d’efficacité, et de fédération autour de valeurs communes.
La nécessaire structuration des ressources humaines
L’association s’y est engagée par exemple par le recrutement d’une directrice générale adjointe chargée des ressources humaines, ou par la mise en œuvre d’un diagnostic de prévention des risques psycho-sociaux. Cette structuration reste encore à poursuivre…
L’ambition associative de l’Entr’Aide Ouvrière
L’association manque d’une offre dynamique et globale, aussi bien en direction de ses
adhérents, pour les mobiliser et les associer à sa réflexion, qu’en direction du grand public, pour le sensibiliser ou le mobiliser sur des actions ponctuelles.
LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES
L’Entr’Aide Ouvrière a retenu sept orientations stratégiques structurantes, chacune étant déclinée en objectifs prioritaires qui constituent sa « feuille de route » pour les trois ans qui viennent.
AXE 1 : Développer la vie associative militante
-Recruter et fidéliser les adhérents et bénévoles
-Structurer l’organisation interne de la vie associative
-Proposer des manifestations ouvertes à tout public :
-Associer salariés et adhérents au sein des instances de réflexion sur le pilotage
-Développer un réseau d’influence externe : constitution d’un comité de parrainage
AXE 2 : Parvenir à un équilibre financier durable
-Rechercher des contractualisations pluriannuelles avec nos principaux financeurs
-Veiller à ce que le financement de chaque action soit équilibré (fonds publics ou fonds
propres)
-Rechercher des financements privés
-Construire un plan d’entretien du patrimoine immobilier et établir son financement
AXE 3 : Privilégier la qualité de l’action, au regard des moyens
-Formaliser les activités et le service à rendre
-Développer une démarche d’amélioration continue
-Renforcer la participation des usagers
-Recentrer l’activité des services en lien avec le projet associatif
-Développer des activités en fonction des besoins émergents
AXE 4 : Développer l’approche partenariale
-Structurer les partenariats existants et en développer de nouveaux
-Développer des actions en cotraitances
-Développer le mécénat de compétences
AXE 5 : Consolider la gestion des Ressources Humaines
-Adapter l’organisation générale au regard des orientations stratégiques
-Formaliser l’organisation du travail au sein des services
-Renforcer l’adéquation entre les postes et les compétences
-Renforcer les moyens nécessaires aux Relations humaines
AXE 6 : Clarifier le pilotage de l’association
-Préciser les délégations et les mandats
-Préciser les rôles et missions respectifs en lien avec le pilotage
-Formaliser les modalités de suivi du plan stratégique
AXE 7 : Harmoniser les pratiques de travail
-Généraliser le processus d’intégration des nouveaux salariés
-Favoriser les rencontres entre les mêmes corps de métiers
-Homogénéiser les procédures pour les activités identiques exercées sur des lieux différents :
-Identifier les bonnes pratiques mises en œuvre dans d’autres structures