Il y a encore du travail en perspective pour les associations ! On se dit en effet qu’il faudra d’autres rencontres comme cette journée d’échanges, baptisée « Un toit pour tous », avant de pouvoir dire que le mal-logement est éradiqué en Touraine…et en France. Que tout un chacun a un toit sur la tête, et une dignité retrouvée. C’était ce vendredi 4 novembre, salle des fêtes de Saint-Pierre-des-Corps, à l’initiative de SOS Familles Emmaüs, de l’Entr’Aide Ouvrière et du Collectif Roosevelt 37.
Une journée qui pourrait pousser au pessimisme et à la résignation, tant elle a pointé d’entraves et d’obstacles au progrès. Mais qui peut tout aussi bien, si on voit le verre à moitié plein, encourager les efforts militants et l’action collective. La principale conclusion, en effet, serait pareillement balancée : les politiques publiques ne vont jamais assez loin en matière de logement social, mais il suffirait d’une volonté politique forte pour tout réorienter.
Devant plus de 130 personnes Marie-France Beaufils, sénatrice-maire, a estimé d’emblée qu’il fallait évidemment poser les questions de fond, dont la question foncière. Car les communes n’ont plus les ressources suffisantes pour conduire une politique foncière. Et « si le prix des terrains continue de monter, on ne peut plus construire des logements sociaux« . Très inquiète du niveau des expulsions cette année, elle juge « essentiel de trouver d’autres solutions ».
Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, fut à la hauteur de sa réputation en dressant un tableau magistral d’une situation qui s’aggrave : 8,6 millions de pauvres (plus 1 million en dix ans), augmentation de 24% du nombre d’expulsions depuis trois ans, 140 000 SDF, plus de 20 000 personnes en bidonvilles…(http://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-publications/etat-du-mal-logement). « Le logement est au coeur des processus d’exclusion, affirme-t-il, et au coeur des inégalités.C’est pourquoi la question n’est pas technique mais éminemment politique. Or, elle est absente de la campagne électorale : il faut la faire prendre en compte.« . Sans attendre, il retient quatre axes pour intervenir : construire et réhabiliter (là où il y a des besoins, et en rapport avec les capacités des ménages), réguler les marchés (encadrer les loyers), lutter contre la ségrégation territoriale, et agir pour prévenir les expulsions. « Si on veut, on peut ! » lance Christophe Robert.
Il a ensuite répondu aux questions de la salle par exemple sur le rôle des banques, l’usage des fonds publics, ou les populations en situation de fragilité psychique.
Et en Touraine ?
Didier Loubet, directeur général de La Tourangelle de HLM et président de l’Union sociale pour l’Habitat Centre Val de Loire, et Grégoire Simon, directeur général de Tours Habitat, ont dressé le tableau aux plans régional et local. Sur l’agglomération tourangelle la situation est bien moins tendue qu’en Ile-de-France par exemple. Tours Habitat a cependant un problème car la demande émane essentiellement de personnes seules, alors que les petits logements manquent. Ce qui explique également qu’il y ait toujours un volant de logements vacants (de l’ordre de 2 à 3%). Les bailleurs sociaux doivent donc adapter leurs logements, et leur dernier congres a adopté 45 mesures en ce sens (http://www.localtis.info/cs/ContentServer?pagename=Localtis/LOCActu/ArticleActualite&jid=1250271411156&cid=1250271408736).
En attendant, que faire des gens à la rue ? Si les centres d’hébergement sont pleins, affirme Grégoire Simon, « c’est à 40% en raison des déboutés du droit d’asile. Les HLM ne peuvent loger les sans-papiers ni les personnes qui n’ont aucune ressource… » Tandis que Didier Loubet précise : « il n’y a pas de blocage, ces familles sont accueillies si elles sont encadrées« .
Avec le directeur de Tours Habitat et aussi la directrice de Touraine Logement, Mme Bertin, le débat portera ensuite sur l’accès au logement des ménages endettés. Six associations, dont l’UDAF et le Secours catholique, ont signé avec Emmaüs et l’Entr’Aide Ouvrière une lettre demandant aux HLM d’assouplir leurs critères d’attribution de logements pour les familles endettées. La démarche a irrité les bailleurs sociaux, qui ont expliqué ce qu’ils font déjà pour prévenir l’endettement, car les impayés (8% à Touraine Logement, soit 2 millions€) sont supportés par l’ensemble des locataires. Les associations feront valoir de leur côté tout ce qui est fait en amont de la demande de logement, trop souvent en vain. Les bailleurs, sans fermer la porte à un travail plus approfondi (comme une démarche auprès de la Caisse nationale d’Allocations familiales pour le rétablissement de l’APL dans certains cas), renvoient aux procédures telles que le DALO ou les « baux glissants » par l’intermédiaire des associations.
Un second travail en atelier portait sur le « logement participatif », dont il n’existe encore qu’un seul exemple en Touraine. Il a conclu à une définition en quatre points : un habitat conçu en groupe en vue de vivre ensemble, qui facilite la convivialité et la solidarité, qui favorise les relations intergénérationnelles, et qui soit économe en énergies et en espaces.
L’aspect foncier de la question du logement était précisément le sujet de Marc Kaszinski, ancien directeur général de l’Etablissement public foncier du Nord-Pas de Calais. Il a détaillé le rôle des EPF et des « organismes fonciers solidaires » pour décharger les collectivités du poids du foncier. Enfin Francis Gouas, président de la CAPEB-37 (Confédération des artisans et des petites entreprises du Bâtiment), en passionné du patrimoine, a expliqué que beaucoup de logements vides – il y en a deux millions – pourraient être facilement réhabilités et convertis aux économies d’énergie.
En conclusion Marie-Paul Legras-Froment, présidente de l’EAO-CAD, a d’ores et déjà donné rendez-vous aux associations partenaires pour d’autres échanges. Notamment l’an prochain pour les 70 ans de l’association, en demandant sur quel thème elles aimeraient travailler et partager.